Chapitre 2 : Espoir et Regret

6/16/202327 min read

Après avoir passé ce que je supposais être une porte, ils nous arrêtent et dénouèrent les sacs sur nos têtes. Je repris mon souffle, mais je m’étouffai rapidement. L’air sentait le renfermé et je n’aurais pas dû en absorber autant. Après ma quinte passée, mes yeux avaient eu le temps de s’habituer à la pâle clarté de la pièce. Je constatai alors que sur les 30 prisonniers partis, une quinzaine seulement était présent ici. On nous aligna ensuite, puis nous conduisit à travers un dédale de couloirs crasseux. Le groupe fut ensuite dissous et on nous enferma dans des cellules individuelles.

C’était étrange, je n’avais pas été seul depuis longtemps et bien que les circonstances eut été compliquées, ça me fit du bien de me retrouver un petit peu sans autre prisonnier et gardien. J’en profitai pour regarder autour de moi, prendre connaissance de mon environnement. Ma cellule était de taille moyenne, sans fenêtre, elle était composée de 3 murs en pierre qui semblait n’être qu’un bloc de roche. Le 4em était composé d’amas de briques et d’une porte en métal épaisse avec maigre espace fait de barreau et une trappe pour faire parvenir de la nourriture. À part ça, une étagère qui ne servait à rien avec la richesse qui m’incombait, un lit fort peu pourvu, semblable aux autres du camp.

Je remarquai cependant les grilles d’aération taillées à même la roche dans les murs des côtés. Le bruit qui en sortait me fit comprendre que d’autres cellules se trouvaient sur les côtés. Je reconnus d’un côté une voix forte, masculine et trapue. De l’autre, j’entendis un enfant et celui que je supposai être son père.

Cela faisait longtemps que je n’avais pas entendu la voix d’un enfant, si pure et innocente. Attendrie par cette surprise, je m’allongeais alors en oubliant un instant les événements récents, et même tous ceux de la dernière année.

Je restai un moment sur mon sommier réfléchissant à ce qui allait se passer, il n’allait pas me tuer. Sinon je serais déjà mort. Mais alors que pouvait-il bien faire de moi ? Rien ne se passa jusqu’à l’heure du repas, à ce moment-là le gardien qui était chargé de nous nourrir discuta avec quelqu’un. Je compris alors qu’un gardien était constamment posté en faction devant nos cellules, ou au moins non loin de là.

J’appris deux informations de leurs conversations : la première était que nous renforcions notre offensive contre l’envahisseur, les troupes menaient par le générale Zoifa. Je maudis l’idée que ce pauvre diable parvienne à ses fins. Il était si proche du pouvoir, seul le général en chef et le roi le surpassait. Mais bon, je dus passer outre, car la seconde nouvelle était des plus atypiques : il ne nous nommait pas les détenus, mais les sujets.

Je passai la nuit à me demander ce que ce nouveau statut incombait.

Le lendemain matin, je fus témoin d’une scène peu banale. À exactement 10 h du matin, la panique gagna les cellules mitoyennes. Mon voisin solitaire tourné nerveusement en rond dans sa cellule tandis que le père avait une inquiétude montante dans la voix. Des plaintes jaillirent alors du couloir et je vis deux gardes emmener un « sujet » vers les étages inférieurs, celui-ci criait :

« Je ne veux pas voir le docteur ! Je ne veux pas pitié ! »

Mon échine se crispait tandis que des suer froide parcourait mes bras. J’ignorais où il allait, mais j’étais sûr de ne pas vouloir y aller.

« Et si j’étais le prochain »

Ces mots roulaient dans ma tête comme des tonneaux sur un navire pris dans la tourmente. Je compris alors pourquoi mes voisins étaient si paniqués. Et pourtant, lorsque je pensais à eux et que mon attention vint se greffer sur leurs comportements comme pour trouver une mimique propice à ma survie. Je ne pus m’empêcher de remarquer qu’il s’était calmé, ils étaient soulagés. Mon voisin grommela à côté de moi. Au fur et à mesure que les cris du sujet faiblissaient au loin, la pression retombée. Je remercie les dieux pour ma survie, et commençai à rassembler mes esprits. Mon voisin commença à murmurer :

« 22,31,3,27, selon la suite logique, je suis le prochain »

Il répéta en boucle « je suis le prochain ». Il semblait être en proie à un profond désespoir.

Je décidai de le réconforter dans l’espoir qu’il se calme et que je puisse récupérer. Une fois les présentations faites, je lui posai la fameuse question :

« Savez-vous où nous sommes et pourquoi nous sommes là ?

- nous nous trouvons sans doute dans la salle d’attente de l’enfer. Je ne suis ici que depuis 5 jours et pourtant, j’ai vu tant de gens… »

Il ne finit pas sa phrase, je tentai de le faire à sa place.

- Mourir ?

- Si seulement, ici, on ne meurt pas. Ils nous envoient dans les salles d’opérations, et là, nous sommes à la merci du docteur. Ceux qui ressortent porte sa marque. »

J’avais visiblement relancé son élan de folie, car se remis à délirer et à parler tout seul. Je décidai donc de le laisser seul.

Le reste de la journée s’écoula dans une atmosphère étrange, un mélange de soulagement du présent, mais d’inquiétude pour l’avenir rendait l’air anxiogène. Cependant, je trouvais du réconfort en écoutant mes autres voisins. Le père jouait avec son fils de façon à détourner son attention des conditions précaires de notre survie.

Ce soir-là, il raconta une histoire à son fils. Je ne sus pas si c’était pour lui donner de l’espoir, en tout cas ça m’en donna. C’était un conte que je n’avais jamais entendu. Il devait venir du nord du royaume, voir même d’un autre royaume.

Il s’agissait de l’histoire d’une femme qui vivait sur une petite colline, en contre-bas de sa cabane, dans la vallée prospéré un petit village. La femme se nommait Nykterinós. Elle était née dans le petit village, mais malgré son attachement à lui, elle préférait sommeiller loin du reste des humains. Pourtant, elle était une membre active de sa communauté. Souvent, elle cultivait le flan de la colline et donnait le surplus de grain au meunier au lieu de le stocker ou de le vendre. Elle ne disputait jamais les enfants qui venaient chahuter dans la paille, ni les amants qu’elle pouvait parfois surprendre à chahuter dans les bois qui bordaient son domaine. Bref toute aller pour le mieux, pour elle comme pour le village.

Mais, évidemment, il fallait un « mais », un jour la guerre arriva. Un envahisseur, la guerre civile, des bandits ou que sais-je encore. Le visage de la guerre n’avait pas d’importante, seul sa présence comptait.

Au début, le village fut une victime indirecte. Les habitants manquèrent de si et de ça. Les matières importées disparaissaient des étals. Cela ne provoqua que l’agacement de certains, mais dans l’ensemble, la vie restait inchangée.

Cela continua et continua, jusqu’à ce que les étals n’aient plus que ce qui était prévu sur place. La transition vers l’autarcie fut rude, mais elle se fit.

La guerre, non-contente de dévorer les vivres, avait toujours faim. Elle dévora alors les jeunes gens, les mobilisant pour les amener à une mort certaine au champ d’horreur. Nykterinós aurait dû être de ceux-ci. Mais les recruteurs ne s’intéressèrent pas à la colline où se trouvait son abri.

Il ne resta rapidement au village que des infirmes, des vieillards et des enfants. Si certains avaient encore (ou déjà dans le cas des enfants) la force de travailler la terre, c’était le travail de Nykterinós qui nourrissait l’essentiel des villageois laissés pour compte. Lors des soirées où le soleil ne semble pas réussir à trouver le repos et où ses rayons agressent qui compte s’aventurer à sa portée, on pouvait la voir labourant la terre, tractant sa charrue elle-même. Les ayant été soit saisi par l’armée, soit tué, car on ne pouvait les nourrir ou bien que même devait être de la nourriture. Elle suait, un soleil assassin dessinait ses courbes, laissant transparaître une silhouette habituellement réservé à ceux qui sont mort de faim. Pourtant, au fond de ses yeux, on pouvait lire cette phrase « Quelles que soient les épreuves, les ennemies ou les menaces, je ne craquerais pas. Je viendrais à bout de tout ».

Elle réussit à faire subsister le village en y laissant sa santé, mais au moins tous été en vie et reconnaissant. Elle s’accrochait à l’idée que soit la guerre s’arrêterai et les jeunes gens partis pourrait l’aider dans sa tâche. Soit-elle continuée jusqu’à ce que les enfants deviennent adultes et la remplace.

Le village était presque redevenu vivable. Mais malheureusement, la guerre n’était pas la spécialité du dirigeant de sa nation. Bien qu’il fût au fin fond du pays, loin de l’intensité du conflit, l’ennemie ne tarda pas à venir mettre la main sur le village.

Ce fut d’abord le retrait des troupes alliées dans la région qui se poussa les habitant à se questionner. Mais rapidement, les bottes de l’ennemi foulèrent le sol des campagnes environnantes. Tous savaient qu’ils pilleraient le village en les laissant pour mort, s’ils ne les tuaient pas eux-mêmes. Les villageois s’assemblèrent des armures de bric et de broc afin de se protéger de la menace. La plupart étaient faites du peu de métal qu’ils avaient pour couvrir leurs têtes, et de tonneau éventré en guise de plastron. Ils réussirent cependant à réunir une unique armure digne de ce nom, il ne lui manquait qu’une épaulière. Pour la foule désespérée, il semblait évidemment que cette armure dût advenir à la personne la plus apte à combattre.

Nykterinós devint alors l’équivalent d’un général, elle organisa les défenses du village au plus vite. L’assaut devait avoir lieu dans les prochains jours, il ne pouvait en être autrement. Quand le soleil se coucha, Nykterinós arrêta un instant de travailler afin de contempler ceux qu’elle tentait de protéger. Ils étaient misérables, malgré leurs efforts, la défaite serait inévitable et nul ne survivrai à ce massacre. De plus, à force de trimer si fort, elle commençait à se demander combien de temps elle pourrait encore tenir avant que son corps ne lâche, laissant les vieux et les enfants sans défenses.

Elle prit alors une décision forte, pleine de courage ou d’imprudence. Elle porterait le premier coup, elle frapperait de façon à ce que l’ennemie ne se relève pas.

Sous cette impulsion, elle revêtit son armure et parti en direction du camp de soldats le plus proche. À la faveur de la nuit, elle s’infiltra à l’intérieur, trancha la gorge des quelques sentinelles chargées de surveiller le camp dans la plus grande des discrétions. La mort elle-même n’aurait pas fait de plus belles œuvres. Une fois la voie dégagée, elle se rendit dans le dortoir central et élimina quasiment l’intégralité des soldats endormis avec une froideur et une efficacité qui glaçait le sang.

Mais un soldat insomniaque d’un des dortoirs secondaires tomba sur le corps inerte d’une des victimes de Nykterinós. Il sonna l’alarme qui réveilla immédiatement le camp, Nykterinós sortit en trombe du dortoir centrale, mais fut repéré par un soldat. Il tenta de lui asséner un coup d’épée au ventre, mais cette dernière esquiva sans mal, mais se retrouva rapidement piégée à l’intérieur du camp. Elle défendait farouchement sa position, tranchant la chair de quiconque voudrait l’approcher. À ses pieds, elle saisit une lance abandonnée par un soldat vaincu et tenait en respect ses adversaires, mais il était nombreux, et elle ne tiendrait pas éternellement.

De leur côté, les soldats avaient vaincu l’effet de surprise et c’était réorganisé, rapidement une rangée d’homme muni de crache-feu se mit en position derrière leurs confrères qui combattait notre héroïne.

Quand elle prit conscience de leurs existences, elle utilisa sa lance pour asséner un violent balayage qui renversa l’ensemble des soldats ennemis, puis profitant de cette occasion se rua vers l’abri le plus proche.

Une fois à l’intérieur, elle se dépêcha de baisser l’épais volet métallique de l’unique fenêtre de son abri, puis utilisa sa lance pour sceller la porte. Cependant, la porte était vieille et mal entretenue, c’était une question de minutes avant qu’elle ne cède.

Nykterinós lutté pour réfléchir efficacement et fit l’inventaire de ses ressources : elle s’était visiblement enfermée dans une sorte de débarras ou était entreposée toute sorte de chose notamment des vielles lampes, de la paille pour chevaux, des vivres et deux ou trois tonneaux servant de rangement pour armes. Elle prit alors dans l’un deux une épée et un bouclier qui remplaceraient sa lance désormais inutilisable. Elle renversa entièrement le cagibi à la recherche d’éléments propice à sa survie, mais en vain. De plus, les coups des soldats allaient bientôt faire céder la porte. Elle enrageait de ne pas trouver de crache-feu qui lui permettrai de toucher ses adversaires à distance et éventuellement de créer une occasion de sortir du camp.

Dans son désespoir, l’acculée eu une idée : elle imbiba la paille d’huile de lampe puis la fourra dans son armure. Une fois l’armure entièrement bourrée, elle trempa, et appliqua l’huile dessus. Les lampes qu’elle n’avait pas utilisées pour son plan lui servirent à confectionner une ceinture.

Derrière la porte, elle entendait l’assaut régulier d’un soldat sur la porte. Durant l’intervalle entre les assauts, Nykterinós retira la lance qui barricadait la porte. Quand le soldat tenta de redonner un coup, la porte s’ouvrit brusquement et l’attaquant tomba à l’intérieur. Nykterinós l’abattit d’un violent coup à la nuque, puis couru se jeter dans le feu de camp le plus proche.

L’explosion fut d’une telle force que la nuit elle-même semblait s’embraser. Les flammes chassaient la noirceur du ciel comme si elle tentait de remplacer le soleil. Mais surtout, un violent souffle brûlant balaya le camp. Les soldats les plus proches furent tués sur-le-champ, ceux plus éloignés étaient brûlés au moins partiellement. Les plus malchanceux des survivants étaient défigurés, en plus du traumatisme du souvenir de tous ses hommes morts en une fraction de seconde, ils devraient vivre avec cela. Au moins, ils étaient en sécurité, l’assassinent était morte. Le calme allait revenir au camp.

Au village, dès le lendemain, la nouvelle de cette disparition donna un violent coup de fouet au moral des quelques bougres attelés à la défense. Ils préparèrent des barricades et organisèrent des stratégies en une vitesse incroyable. Cependant, l’espoir ne fait pas tout, ils se doutaient bien que les représailles soient terribles. Ils étaient morts et ils le savaient. Mais cela ne voulait dire qu’une chose, ils n’avaient rien à perdre. Ce n’étaient plus des vieux ou des enfants, ce n’était que des corps animé par la seule rage de se battre contre les meurtriers de leurs protectrices et nourricière.

Quand ils virent pointer au loin les armoiries de leurs adversaires, leurs sangs bouillonnaient du même feu qui avait consumé Nykterinós. Les soldats furent d’abord surpris de voir cette armée de mort-vivant protégeant farouchement leur fort de débris. Ces derniers étaient déjà démoralisés par les événements survenus dans leur camp. Ils ne songeaient qu’à panser leurs plaies et à enterrer leurs morts. Leur chef ne l’entendait pas ainsi. Le village devait être rasé. Les habitants tués. Le sol contaminé afin que rien ne repousse. Il fallait envoyer un message fort aux villages des alentours.

L’armée se mit en branle, se préparant à envahir les minables fortifications. Une fois placé, un silence de mort pris place. Tout le monde savait ce qui allait se passer. Le drame qui s’apprêtait à être écrit. Les futures martyres ne lâchaient rien.

Le clairon sonnait, l’armée courra mollement leurs victimes. Tout d’un coup, le bras du premiers soldat à tenter une attaque fut coupé net. Il fut ensuite projeté 10 mètres plus loin, stoppant l’avancer de ses frères d’armes. Un vent bleuté tourbillonna autour des défenseurs. La température chuta, transformant le vent en blizzard. Le soleil fut avalé par une pénombre semblant sorti des tréfonds de la terre. Toutes les chandelles étaient évidemment soufflées. La seule lumière émanait du bouclier azur érigé autour du village.

Elle semblait s’intensifier à mesure que le blizzard gagné en puissance. Les soldats étaient ne pouvait bouger face à ce spectacle, à l’exception des plus pleutres qui s’étaient déjà enfuis. Mais cette prestation fut interrompue par un tout nouvel événement, un flash fut émis par ce rempart magique. Un aigle spectral gigantesque de la même couleur que le vent se mêla au tourbillon. Après avoir virevolté tout autour des vieillards et des enfants, il surplomba la ville. Sa splendeur était telle qu’un millier de diamants ne valait moins qu’un instant à le contempler. Ses plumes pareilles à d’immenses boucliers semblaient aussi tranchantes que des épées de grands-maîtres.

Après s’être étendu de toute sa grâce, il lança un regard inquisiteur aux envahisseurs avant de tourner la tête. Il poussa un cri surpuissant. Au même moment, son corps se mit à briller de plus bel. Sa lumière déchira la pénombre qu’il avait lui-même provoqué et disparu avec elle dans un second cri qui fit trembler la terre et vibre le ciel.

Les soldats étaient calcinés. Tous les soldats, tous ceux par-delà le monde qui aurait pu tenter de s’en prendre au village. La paix était désormais garantie pour tous les défenseurs abasourdis. Ces derniers tombèrent au sol de soulagement avec la même lourdeur de la neige qui retombait au sol. Pour eux, c’était clair, Nykterinós s’était vengé. Elle avait même profité de son entreprise de vengeance pour accomplir un ultime service à sa petite communauté.

On raconte qu’encore aujourd’hui Nykterinós sous sa forme d’aigle défendrait les faibles et les innocents à travers le monde, laissant derrière elle une neige tombant éternellement.

Cette histoire, ce père la raconta à son fils dans le but de le faire rêver. Par ricochet, me faire rêver moi. Pour la première fois depuis longtemps, je m’endormis paisiblement.

Cette paix fut de courte durée, dès le lendemain, les gardes qui nous amenèrent de la nourriture se rendirent dans la cellule de mon voisin solitaire. Il n’opposa aucune résistante est parti avec eux, je distinguai des traces autour de son cou. Il avait tenté de mettre fin à ses jours durant la nuit, en vain.

Une fois qu’ils disparurent dans les étages inférieurs, emportant avec eux leur victime et la tension qui s’imposait dans l’air. J’avais un millier de questions, au sujet de cet endroit, de ce docteur, de son lien avec le gouvernement. Le hic, c’était que mon seul interlocuteur avait un enfant et je ne voulais que les réponses à mes questions effraient le jeune bambin. Je me doutais bien qu’elles seront à l’image de cette prison, effroyable. Je restai donc silencieux, tentant de raccrocher en vain des bribes de logique à mes interrogations.

En fin d’après-midi, l’enfant fit une sieste. Ce fut son père qui brisa le silence et m’adressa la parole.

« Désolé, mais je ne pourrais pas t’éclairer sur la situation. Je n’en sais pas plus que toi. Ici, on ne nous dit rien. On nous place dans une cellule et on attend le docteur. Parfois, certains reviennent, mais souvent, ils partent on en sait où. Peut-être dans la mangeoire des montures des gardes, je n’en sais rien. »

Je pris quelques secondes à analyser les informations que l’homme venait de me donner avant de lui répondre.

« Bon et bien Heu, et vous êtes là depuis combien de temps ?

- Trois semaines qu’on croupi ici, mais cela faisait plusieurs mois qu’on était dans le bloc C, sous prétexte que notre village était accusé de haute trahison. Je ne suis pas sûr que la moitié des habitants avait connaissance du nom de leur souverain, alors se rebeller contre lui, voilà qui est impensable. Et toi ? Nouveau dans le camp ?

- Non, je n’ai passé que trop de temps ici. Ils m’ont enfermé à cause d’un coup monté, une longue histoire. »

Je lui racontai le travail de Zoifa, son plan, et la vie du bloc R. Il répondit d’un air presque amusé.

« Et bien en voilà une histoire des plus incongrue

- C’est sûr qu’elle moins poétique que celle d'hier soir.

- Vous avez écouté mon vieux conte, je m’en sers pour lui remettre du baume au cœur. Pour tout vous dire, pendant un instant, j’ai bien crû à cette fable. Je pensais qu’un événement viendrait nous sauver. Aujourd’hui, je me rends compte que tout cela est faux. Personne ne vient en aide aux innocents. L’espoir est pareil à l’aigle de Nykterinós, il n’existe que dans mon histoire.

- Il ne faut pas dire ça, rien n’est jamais totalement perdu.

- La mère du gamin est perdue, dans peu de temps je serais perdu, le gamin sans doute aussi.

- …

- Et gloire au bon roi Tipota. Ce gamin parano ne vaut pas mieux que son père. Je n’en peux plus de cette lignée pourrie. »

Je sautai immédiatement sur cette occasion pour changer de sujet.

« Vous vous rappeler de quand la lignée des Kalos est monté sur le trône, de ce qu’il y avait avant.

- Ils veulent nous faire croire qu’ils ont toujours eu le cul vissé sur ce gros siège en or, mais les livres de la bibliothèque de mon village n’ont pas perdu la mémoire. Malheureusement, ils n’apprennent qu’une triste histoire : Ce pays n’a connu que des rois ou tout comme, au pire ils régnaient par le sang, au mieux ils ne levaient même pas le petit doigt pour sortir les petits gens de la misère. Il y a bien eu quelques révolutions qui ont tenté de renverser l’ordre établi. La plupart ont fini dans le sang. Celles qui ont réussi ont vu leurs leaders se transformer peu à peu en ces mêmes monstres qu’ils combattaient la veille.

- Vous avez accès à des livres parlant d’avant les Kalos ? C’est pour ça que vous êtes là !

- Non, il existe une multitude de petites bibliothèques perdues dans la cambrousse. Ce sont les villes, là où s’entasse la populace qui s’abrutit. Ces livres sont des mines d’or pour s’instruire, mais personne ne s’intéresse à des petits péquenauds prétendant tel ou tel événement. Nous avons accès à toute l’histoire du royaume, même de tous les royaumes en réalité. C’est un trésor inutile. »

Il passa une bonne heure à me narrer les différents récits émanant de divers endroits à travers le monde. Quand son enfant se réveilla, il marqua une courte pause et inventa des histoires à dormir debout pour amuser son enfant. Il réussit avec brio. Il avait réussi à émerveiller ma journée. Je m’endormis paisiblement, malgré un sommeil troublé par ce qui semblait être le bruit des gardes. Je me rendis compte qu’ils raccompagnaient mon voisin partit plus tôt de sa cellule. Cependant, je ne sentis pas la force de vérifier, je restai piéger dans ma torpeur.

Ce n’est qu’au petit matin, une fois pleinement réveiller, que j’allai prendre des nouvelles de mon voisin. J’étais rassuré de le savoir revenir, cela me rassurait mon propre sort.

Sa silhouette semblait différente, dissonante avec celle de mon souvenir. Il semblait plus muscler, avec une carrure carrée. Je ne le voyais que de dos, sur son lit. Il me sembla que son réveil était des plus difficiles, mais s’il était là, c’est qu’il n’avait pas été disséqué par le professeur ou subis l’injection d’une quel qu’onc substance nocive. Je le laissais donc à son sommeil, il avait besoin de récupérer de son épreuve.

Sans possibilité d’occupation, je passai ma soirée à penser à mes compagnons. J’ignorais comment ils avaient réagi à ma disparition. Je ne pense pas qu’ils étaient dupes, mais peut-être qu’ils me pensaient mort. En vue de la mise en scène, je doute qu’il compte me faire revenir dans mon bloc. Cela me fit penser à mon propre avenir, sur quoi déboucher ces sélections ? Peut-être qu’après ces tests nous étions déplacés dans une autre prison peuplé uniquement de survivant ? Je me rendis vite compte que mes réflexions avaient pour seul but de me rassurer. Le plus probable, quel que soit le genre de tests ou d’expériences que l’on doit affronter, est la mise à mort des éventuelles survivants qui leurs sont inutiles.

La seul pensé rationnelle qui me rassura vint avec l’appétit. En regardant mon ventre gargouillé, je ne pouvais rater les énormes cicatrices causées par le coup de sabre de Zoifa. Je passai ma main sur mon front afin de sentir le creux laisser par sa lame. Une phrase vint spontanément envahir mon esprit.

« J’ai survécu à cela. »

Cela pouvait dire de nombreuses choses, mais surtout une en réalité : j’avais survécu à ça, puis au bloc R. Rien ne pouvait me tuer désormais. Ma pensée fut troublée par le beuglement animal émanent de la cellule du rescapé.

« Son réveil semblait brutal » pensais-je naïvement.

Cependant, quelques instants, plus tard, j’entendis l’émergent donné de violent coup contre le mur. Au premier coup, il était silencieux. Au suivant, il se mit à rager. Le troisième fut si puissant que je crus sentir l’onde de choc, il poussa un hurlement. C’est à ce moment-là que je compris que comme unique marteau, il utilisait sa tête. Le père bouchait les oreilles du petit garçon tandis que le rescapé continuait à donner des coups de plus en plus violents et plus en plus vite. Le son de sa voix semblait être pareil à l’état de son crâne, de plus en plus distordu jusqu’à n’être qu’un résidu, un amas de chair et de sons tentant d’achever son œuvre et sa vie.

Les gardes accoururent. J’entendis l’un deux crier.

« Merde, le doc va pas être content s'il meurt »

Ils ouvrèrent la porte pour tenter de maîtriser le forcené. Ce dernier n’avait pas dit son dernier mot, il se débattait avec la rage d’une bête puisant ses dernières forces. Il beuglait un flot ininterrompu de bruits bestial. Ils réussirent malgré tout à le sortir de sa cellule. Je baissai ma tête, tentant d’apercevoir la scène. Je m’attendais à voir des bottes et des pieds sales. Mais lors d’un coup violent, ils plaquèrent la tête de leur victime juste devant la porte de ma cellule.

La vision de ce faciès, je la vois encore parfois dans mes cauchemars. Sa tête écrasé sur le sol avait subi de terribles mutilations. Une énorme cicatrice serpenté le contour droit de son visage. Elle était due à l’épreuve infligée par le docteur. Il avait arraché la moitié droite de son visage pour lui greffer la moitié d’une espèce de simili peau d’éléphant muni même d’une petite trompe. Le tout était écrasé, le pauvre avait tenté de mettre fin à ses jours en s’atrophiant la partie scarifiée de son corps. Des plaies dû au choc répéter suinter du sang et une sorte de pus produit en rejet par l’organisme. Il ne ressemblait plus qu’à une bouillie infâme.

Je puis voir néanmoins ses yeux. Quand nos regards se mélangèrent, je distinguai une émotion aussi terrible que familière. En l’espace d’une seconde, il se calma et me regarda avec espoir. J’attrapai ma cuillère, la brisai puis l’enfonça d’un coup sec et brusque dans le creux de son cou.

L’émotion que j’avais distingué au fond de ses yeux était la même que ceux que nos chiens avaient lorsque qu’ils étaient une fois de trop blesser. Ils avaient cette façon de dire sans aucun mot :

« Par humanité, tue-moi »

Quand je soulageai cet homme, son expression changea immédiatement. Sa requête devint un remerciement, sa souffrance se changea en espoir. Je crois qu’il est mort sur le coup, qu’il n’a pas souffert. En-tout-cas, il ne souffrira plus maintenant.

Les gardes crièrent et m’injurièrent, l’importance de le maintenir en vie était visiblement leur priorité la plus grande. En guise de représailles, ils me passèrent à tabac pendant de longues heures, ne s’arrêtant que lorsque je perdis connaissance. Ils prirent également le soin de ne pas me nourrir correctement pendant plusieurs jours, usant mes limites. Je ne tenu que grâce au gosse et à son père. Les conversations, ou les histoires me distraient durant mes longues heures de jeûne.

Une fois ma punition terminée, je vis avec un immense soulagement instinctif que non-content de me donner à nouveau de la nourriture, ma portion était doublée. Mon bonheur fut bien vite diminué quand le père qui occupait la cellule voisine, je n’ai même pas pensé à lui demander son nom, m’avertit de l’imminent danger. Ils tentaient de me remettre sur pied afin que je sois le prochain à passer sur la table d’opération.

En temps normal, mon cœur se serait serré au fond de ma poitrine, mais à force d’être soumis à toutes les horreurs de cet environnement carcéral. On ne distingue plus les vrais dangers et les macabres histoires de feu de camp.

J’aurais peut-être dû avoir plus d’inquiétude. Je sais pourtant que ça n’aurait rien changé. Au crépuscule d’une soirée, les gardes me conduire dans les tréfonds de la cité, là où on voit de temps à autre certains camarades partirent vers l’au-delà. Durant cette ascension vers l’enfer, les gardes dans leurs grandes rancunes prirent un malin plaisir à me frapper au ventre entre les différents étages.

Au bout du 8éme coup, on m’installa devant un bureau. J’étais maîtrisé par mes geôliers. Derrière le bureau se trouvait une chaise, sur cette chaise se trouvait un petit bonhomme portant une blouse de laborantin qui empestait la mort, le même que j’avais aperçu au plus profond de la nuit au bloc R. Ces lunettes m’empêchaient de distinguer ses yeux, je n’avais comme moyen de décrypter les émotions que son sourire.

Son sourire était celui d’un carnassier. Mais ce n’était pas le même que celui de Zoifa. Si Zoifa était un requin, ce médecin n’était qu’un piranha. La même cruauté que le squale, le courage et la prestance en moins. Quand cette pensée me traversa l’esprit, le piranha ouvrit sa bouche.

« Enchanter monsieur Avolos, on m’a beaucoup parlé de vous. Vous êtes un proche d’Antor, il me semble. Le chef des agitateurs, malgré son statut, j’ai délibérément choisi de vous faire venir ici. J’ai prétexté que c’était pour éviter de faire d’Antor un martyre, mais c’est en réalité l’histoire saugrenue qui vous amène ici fut ce qui m’as poussé à vous sélectionner. Je me présente, docteur Enklima. C’est moi qui aurais l’honneur de vous améliorer. »

J’aurais sans doute pu et du répondre quelques insultes, mais je me contentai de rester immobile, en le fixant droit dans les yeux. Quand il reprit la parole pour dire de nouvelles paroles futiles destinées à torturer nos esprits comme il le fera avec nos corps. Je me libérai de l’emprise de mes gardes, attrapa son crâne lisse et brisa son nez sur le bord de son bureau. Les gardes m’assommèrent immédiatement après, mais je sais que ce docteur n’a pas apprécié que je brise son petit numéro et son nez.

Quand je me réveillai, de solides liens me maintenaient sur une table d’opération faite de métal froid. Les murs de ce bloc étaient sales et semblaient n’avoir jamais vu la lumière du jour. Comme pour remplacer le soleil, un énorme brasier au plafond s’enflamma en une seconde, faisant se vaporiser le sporifiel qui s’était introduit ici. Mon visage se crispa face à cette vive luminescence. Une voix passant à travers un système ingénieux à travers le mur dit ceci

« On dirait que maintenant vos yeux ne sont pas si arrogants. Ne vous en faite pas, je vous débarrasserai de cette fâcheuse manie. »

Une fois sa phrase achevée, le docteur débuta son œuvre. J’avais l’horrible impression de revivre mon entretien avec Zoifa. Le brasier se sépara en deux, laissant une énorme machine descendre du plafond. Elle était munie de tous les instruments d’un chirurgien. Une fois à ma portée, elle tourna sur elle-même afin de mettre les bons outils au bon endroit. Deux écarteurs vinrent se positionner au niveau de mes yeux. De cette façon, ils étaient immobilisés et devaient rester ouverts.

J’étais toujours seul dans la pièce. Néanmoins je sus que le docteur opérait depuis la pièce d’à côté, car malgré la vitre teintée, je vis le feu se reflétait sur ces lunettes.

Cependant, le gros de mon attention se plaça sur une roue dentée placée au bout d’un des bras de la machine. Elle se fit à tourner de plus en plus vite, faisant d’elle une véritable arme. Je compris vite la destination de l’objet.

Elle commença à descendre vers moi, lentement. La voix du mur revient à nouveau.

« Je suis désolé, mais l’anesthésie est en panne. Je n’ai pas eu le temps de la réparer, je devais soigner mon nez. »

La pince commença alors à déchiqueter le contour de mon œil. Ma chair se faisait déchirer avec sauvagerie. J’avais l’impression de sentir chaque nerf se briser individuellement.

Pourtant, ce n’est pas la peur qui me gagna, mais la haine. Celui qui représentait toute la barbarie de ce camp n’allait pas bander en me torturant. Je conserverai ma dignité, mon humanité. Je ne sais pas s’il s’agissait là d’un effet de la douleur, de ma haine ou bien s’il s’agissait juste de mon envie de rébellion. Quel qu’en soit son origine, un rire incontrôlable me prit. Mon corps se tordait comme pour suivre le rythme de mes ricanements. Ce rire de fou semblait respirer la puissance et le défi. Il était un souffle de rébellion et un signe que jamais je ne céderai. Le docteur devait le sentir, il devait être terrifié, car il accéléra la vitesse d’exécution de son office. Quand il eut achevé de découper mon œil, le bras muni d’une scie s’éloigna. Un autre muni d’une pince prit sa place, attrapa mon globe oculaire et l’extirpa avant de le jeter à la poubelle.

Il répéta son opération sur mon autre œil, me condamnant à la cécité. Une fois achevée, la douleur m’avait tellement submergé que je ne la ressentais plus. Je savourais l’obscurité, ne réalisant pas à cet instant qu’elle serait définitive. Cette quiétude, due à la fin des stimuli de la machine, fut brisée par la voix du médecin. Cette fois, elle ne semblait pas me viser, mais elle s’adressait bel et bien à tout le monde autour.

« Avis à tout le personnel médical, lancement de la phase 2 »

La machine fit de drôles de bruit. Je ne savais pas vraiment ce qui se passait, mais je devinai qu’elle s’ouvrait en deux. Elle plaça une sorte de masque de fer sur mes orbites vides. Une fois correctement positionné.

D’autres bras vinrent visser le masque sur mon crâne. J’avais déjà perdu la tête à cause de la douleur. La seule chose qui me ramena la raison fut le contact froid du métal et de l’os.

Dans ma transe, j’entendis le médecin commandait toute son opération :

« Signes vitaux corrects, lancement de la phase 3. La concentration maximale est requise. »

La machine se retira, j’entendis son mécanisme la ramener à son emplacement originel. Le médecin entra finalement dans la pièce en murmurant ce qui ressemblait à un sort. Il était muni d’une chose inconnue, mais dont je devinais la présence par une sorte d’aura magique que je ne savais pas déceler. J’entendis également d’autres personnes qui vinrent se mettre en cercle autour de moi.

Une fois que tous furent en place. Le chef d’opération commença une incantation. Au départ, son rythme était calme, mais rapidement, il accéléra de plus en plus jusqu’à parler si vite que même que lui ne devais sans doute plus comprendre ce qu’il disait.

Un bourdonnement vient parasiter le bruit de la cérémonie. Peut-être étais-je le seul à l’entendre, ou bien les autres étaient trop apeuré par la situation pour tenter quoi que ce soit. Je reconnus le bruit que fais un sporifiel qui passe de fumée à compact. Il devait être sensible à la magie qui embaumait la pièce, car plus l’incantation allait vite, plus la magie était forte, plus le lourdement était puissant.

Quand le rituel atteint son point culminant, le sporifiel ou le cristal, je ne sais pas et ça n’avait pas d’importance, explosa. Cela propulsa les hommes autour de moi contre les murs de la pièce et une énergie d’une force incroyable dans l’appareil qu’on m’avait vissé sur le crâne. Une énergie si forte, que je perdis connaissance.

Je me réveillai sur le sol de ma cellule. J’avais retrouvé la vue, mais tout était différent, légèrement dissonant. J’avais de nouveaux yeux, des yeux différents. Perplexe face à cette nouvelle, je fus l’erreur de bougé. Je rendis mon dernier repas sur le sol de ma cellule. J’ignorais à quoi je ressemblai, mais j’étais sûr d’être devenu quelque chose de nouveau. En définitive, l’opération avec réussie malgré elle.

Je mis pourtant mon état de côté. J’entendais des pleurs d’enfants non loin de moi et devinai que le père avait été emmené durant mon coma, peut être même durant mon opération.

Je rentrai maladroitement en contact avec lui et m’attelai à le réconforter, à le distraire. Je lui racontai alors à l’enfant quelques histoires de chez Katara. Mes récits étaient remplis d'incohérences et mes contes décousus. Le temps avait érodé ma mémoire.

En fin de soirée, un garde ordonna au gamin de se placer au fond de la cellule. Il entra ensuite, déposa le corps de son père à côté de lui, puis partie en refermant la porte.

Après quelques heures, le père se réveilla. Il était faible et sa voix plaintive peinait à se faire entendre. Il embrassa son fils, et dans un ultime souffle de vie, lui dit adieu. L’enfant pleura, cria. Je l’entendis supplier la mort de lui rendre sa famille. J’étais terrorisé, attristé. Aujourd’hui quand le silence se fait entendre et les émotions prennent le contrôle, ces mots résonnent avec la force d’une bombe dans un bocal.

« Non papa ! Ne me laisse pas ! Ils sont méchants ici ! Je veux pas être tout seule, pas encore ! Allez papa s’il te plaît ! »

Les gardes avaient des consignes en cas de mort du père : étant donné que la présence du fils n’était là que pour garantir que le père ne mette fin à ses jours. Il ne leur serait plus à rien maintenant. Un garde ouvrit discrètement la porte, et l’abattit d’un seul coup de crache-feu. Je crois qu’il n’a pas souffert.

Mon sang bouillonnait de rage, une fois de plus l’impuissance due à ma qualité de prisonnier me rendait fou. Je tournais en rond en canalisant ma haine. Je plaçai mes deux mains sur la porte de ma cellule, poussai et poussai de toutes mes forces sans but précis.

D’un seul coup la pression que le mur me rendit disparu et j’eus l’impression de sombrer dans le vide, mais j’étais parfaitement conscient. Je semblais si léger, je serpentais dans ma cellule. J’étais devenue une fumée dotée de conscience. J’étais complétement déboussolé. Je ne compris pas ce qui se passait, mais je sentis une brise d’air frais. Je suivis cette brise, sortant de ma cellule en m’affranchissant des lois qui régissent le monde du tangible. Cette brise venait d’une fenêtre, une fois que je la traversai, je fus soufflé par une violente bourrasque. Elle me porta loin, très loin de ce camp.

Assez vite la hauteur que j’avais gagné sous cette forme, me donna ce qu’on pourrait appeler le mal de l’air. Je tentai de me poser dans une prairie. En arrivant au sol, par réflexe, je tentai de placer mes mains de façon à me réceptionner. Cela eut pour effet de les rendre à nouveau solides. Le reste de mon corps suivi peu après. L’atterrissage m'érafla, mais rien de grave. J’étais nu, seul désemparé sur le flanc d’une colline. Je ne comprenais pas ce qui m’était arrivé, ni l’étendu de mon nouveau pouvoir ou même de mes nouveaux yeux, mais j’étais sûr d’une chose : Pour cet enfant, et pour toutes les autres victimes de ce docteur et de son maître, je me battrais. Je ferais de cette affligeante mutilation, ma force. J’en ferai un symbole. Je deviendrais un grand aigle bleu. Je deviendrai l’espoir.