Introduction

1/27/202321 min read

Une plume, si un jour, on m’avait dit que cela serait la dernière chose que j’aurais entre les mains avant de mourir, j’aurais ri aux larmes. Cependant, je ressens le besoin de mettre mon histoire par écrit, afin qu’elle ne puisse être calomniée par l’un, ou encenser par l’autre. Lorsque je serais mort ce papier fera office d’autobiographie, et pour en attester l’authenticité, moi, Drespo Avolos, la signe de mon sceau.

****** signature manuscrite en rouge ******

Si vous lisez ceci, c’est donc que mon histoire vous intéresse. Beaucoup diraient qu’elle commença il y a une quarantaine d’années, dans le petit village perché au sommet de la montagne qui surplombe la ville de Katara où je suis venue au monde, mais ce sont des conneries. La seule chose qu’il me reste de cet endroit est le souvenir de misère propre aux pauvres petits paysans. Non, ma vie commence bien plus tard, pendant ma vingtième année, plus précisément lors de l’événement qui déclencha ma colère. Il existait en ce temps-là un charmant corps d’uniforme appelé « brigade anti-fraude royal ». Elle avait pour but de veiller à ce que l’impôt royal, qui décrète que cinquante pour cent de la production d’une exploitation revient au roi, soit respectés. Je n’avais pas l’habitude de les voir à l’œuvre et ne les connaissais que par leurs méfaits. Mais un soir en descendant à Katara, je les vis piller joyeusement l’étable d’une pauvre bergère qui subissait l’air désemparé la disparition du fruit de son labeur.

Devant ce spectacle tristement banal, je fus victime de l’impulsivité de la jeunesse. La misère des petites gens du royaume empoisonnait l’esprit depuis bien trop longtemps. Il n’avait pas un seul lieu du royaume où on ne voyait des gens crever de faim, pas une seule semaine où on apprenait que des familles, parfois même des petits villages entiers avait fui vers un autre royaume en espérant un avenir meilleur. Le seul point commun était qu’ils finissaient quasiment toujours devant le peloton d’exécution, pour servir d’exemple. Je pris alors un pavé que je lançai sur le plus costaud de la troupe, qui après l’avoir reçu sur l’arrière du crâne, tituba avant de s’écrouler au sol, sonné par le choc. Une bataille épique survint alors entre le reste de la troupe et moi-même, les coups volaient et je me défendais comme un beau diable, la foule, médusée de voir un pareil spectacle, une pareille révolte, pris place autour de nous dans un silence religieux, seules les injures de mes adversaires le rompaient. Cependant, mes adversaires étaient bien mieux entraînés et équipés, sans parler de leur nombre. Je savais pertinemment que mon seul espoir était la fuite et étonnamment, je réussissais, tout en tenant en respect mes adversaires au moyen d’un balai utilisé comme arme de fortune, à rejoindre une ruelle qui me permettrait de les semer dans le dédale de rue de la cité. Ce fut sans compter sur le garde qui en jaillit, alerté par l’attroupement inhabituel. Je n’eus que le temps d’entendre pendant un bref instant sa course derrière moi avant de sentir le fer de sa matraque contre ma tête. Les sons se confondaient en faiblissant, ma vue s’assombrit en une seconde qui me sembla une heure. La dernière image que je vis fut les pieds de la bergère, après je m’évanouis.

Je ne me réveillai qu’un jour plus tard, dans la cellule d’un poste de garde, la petite fenêtre scellée de barreaux, m’indiquait que j’étais dans le quartier nord de Katara, en effet, je pouvais distinguer ma montagne. Cela peut paraître anodin comme informations lorsqu’on se retrouve dans une situation semblable à la mienne, mais j’ai pu déduire quelque chose de primordiale à partir de cela. Comme la loi royale indique qu’un détenu doit être enfermé dans le poste le plus éloigné de ses lieux de fréquentation afin d’entraver sa fuite en cas d’évasion, il n’avait donc aucune idée de mon identité ! Je poussai donc un soupir de soulagement en pensant que mon père et ma sœur n’étaient pas en danger. Mais ce sentiment laissa vite place à une angoisse étrange, alerté par mes mouvements à la manière d’un loup ayant repéré un lapin. Je vis émerger devant moi une paire de bottes. Évidemment, c’étaient celles d’un garde, mais elles étaient maculées par un mélange de sang et de boue séchée qui couplait à une mesure exceptionnelle laisser deviner un bourreau de travail soucieux de faire régner la loi royale, même si le sang doit être versé. Je levais ensuite les yeux afin de voir à qui celles-ci appartenaient. Je vis alors un uniforme soutenu par une ceinture muni d’une épée, je n’avais jamais vu auparavant un tel uniforme, il semblait plus richement orné que ceux habituels, mais était sale et mal entretenu, seul dénotait dans ce tableau les médailles sur son torse, brillantes, elles avaient toutes la forme d’une tête de hache, elles étaient donc la récompense d’une décision en accord avec la loi pour résoudre un problème moral (de bien jolis mots pour dire que le roi récompense ceux qui tuent les innocents qui refusent de se soumettre). En levant légèrement les yeux, je pus apercevoir le visage de ce sinistre personnage, il avait des cheveux bruns, pareils à la boue de ses bottes, un nez sous lequel vivait une épaisse moustache broussailleuse et touffue. Mais les éléments les plus marquants de cet homme son sourire carnassier qui semblait satisfait quoique qu’un peu agacé ainsi que ses yeux qui montraient une profonde méchanceté, et bien que sa tête me cachât la lanterne du couloir, ma cellule semblait illuminée par la flamme sadique qui dansait au fond de ses yeux.

Cela faisait plusieurs secondes que je le dévisageais et comme pour rompre le silence, il déclara avec une voix forte et assurée « Les petites merdes indisciplinées comme toi me font vomir, je ne sais pas que quelle branche tu fais partie, où même quelle était ta mission, mais je peux te dire que les enfoirés de rebelles dans ton genre crachent toujours le morceau après qu’on les ai un petit peu asticotés » lorsque je voulus lui répondre – notamment, que je n’avais rien à voir avec les rebelles qui s’organisent pour tenter de renverser le roi – Il prit son épée et donna un coup sec et puissant sur les barreaux, afin de produire un bruit strident qui mit fin à ma plaidoirie. Il disparut aussi vite qu’il était venu et l’atmosphère de la pièce fut comme soulagée d’une forte pression. J’en profitais pour reprendre mes esprits et établir ma situation. Je me rendis alors compte que le curieux personnage que j’avais vu était le commissaire supérieur Zoifa, sa tête et son nom figurait sur le mur des héros établis non loin de là. En dessous figurait la raison de sa présence sur le mur, et je le suppose, de ses nombreuses médailles, il était de la lutte contre la coalition des opprimés (une organisation visant à renverser le roi afin d’appliquer un gouvernement plus juste, mais qui est maintenu en échec jusque-là par l’armée) c’était son chemin de croix et il excellait à cette tâche.

D’un coup, mon échine se raidit et des sueurs froides m’envahir, Zoifa pensait que j’étais membre de la coalition, il m’enfermerait dans un de ses camps de rééducation où sont enfermés les criminels les plus dangereux ou rebelles et occasionnellement les autres si les prisons aux alentours se retrouvent pleines. Hors de question de croupir là-bas ! Je regardai alors autour de moi afin de trouver un moyen de m’échapper. Seulement les murs étaient faits d’épaisses pierres venant du cœur de ma montagne, impossible de les percer. Mon regard suivit les barreaux, ils étaient certes usés par le temps, mais l’alliage qui les composait était bien trop robuste pour être scié ou tordu et je n’avais que quelques heures, un jour tout au plus, avant d’être interrogé. Je cherchais et cherchais, l’impuissance me rendait malade, et le temps, à l’image de ma patience commençait à me manquer.

J’entendis soudain des voix s’approcher, enfin plutôt une voix et un enchaînement de beuglements. Je ne vis rien, mais compris vite qu’il s’agissait d’un pauvre bougre dormant dans la rue qui avait été ramassé pour ne plus gêner le regard des honnêtes travailleurs. En-tout-cas, ce beau diable ne se laissait pas faire et causait bien des tourments à l’officier chargé de le mettre dans la cellule adjacente à la mienne. Une fois son office terminée le garde lui aboya avec l’air agacé « Je ne veux plus entendre un seul mot sortir de ta sale gueule ! » Et il eut comme réponse une immense gerbe sur l’entièreté du visage et le haut de son uniforme. « Vous n’avez entendu nuls mots. » Avec le ton de celui qui n’a pas froid aux yeux. L’officier fou de rage parti se laver, la queue entre les jambes. Après un bref instant de silence, mon voisin me lança.

« Alors mon ami, pourquoi dont es-tu ici ?

- Je me suis battu avec des agents des fraudes, une erreur qui va me coûter cher.

- Ma foi, c’est vrai que c’est un sacré motif, mais bon, tu t’en remettras.

- Pas si sûr, un certain Zoifa est censé m’interroger

-… Alors tu prendras des coups en plus, mais ça forge le caractère.

- Je vais surtout finir au camp de rééducation.

- Avec un peu de chance, tu seras relaxé.

- Je n’y crois pas, mais bon, parlons d’autre chose, pourquoi es-tu là toi par exemple

- On le sait tous les deux gamins, les gens comme moi finissent leur vie ici ou sur le trottoir. Mais ne t’en fais pas pour moi, après avoir passé ma vie à me battre contre ces rois jusqu’à perdre tous ceux qui m’étaient chers, c’est presque un honneur de laisser ma charogne dans le lieu où s’exerce son pouvoir

- Tu, tu penses mourir ici ? Dis-je en bégayant

- Ici ou là, qu’est-ce que ça change ? Ça sera ici, dans la rue, dans le prochain poste ou dans le poste d’après, je serai prochainement la carcasse d’un vieil homme.

-… »

Nous passâmes alors la nuit à parler, c’était un homme sympathique bien que triste. Il me parla de sa vie, du brassard rouge qu’il porte fièrement offert par son défunt frère mort au combat, de son passage dans la coalition et des amis qu’il avait rencontré là-bas, les missions qu’ils avaient mené pour leurs comptes, ses ennemis et ses amours. En somme, tout ce qui faisait de lui un homme. Ce n’est qu’au petit matin que j’appris son nom, Láng. Un nom typique venant de Zobor, une ville minière située au sud du royaume. Notre entretien fut interrompu par un bruit de bottes que je connaissais, et qui me glaça le sang.

Zoifa fit alors irruption dans la pièce, il ne disait rien. Il avança d’un pas vif jusqu’à me faire volte-face. Il ouvrit la porte de ma cellule, m’attrapa d’une main et me frappa avec la poignée de son épée de l’autre. Il me traîna sous les grognements de mon compagnon d’infortune jusqu’à l’étage inférieur, me poussa dans la porte de la salle d’interrogatoire du poste, manquant au passage de me fendre le crâne, me plaqua violemment contre la chaise et mis enchaîna. L’action ne dura qu’un instant et il disparut aussi vite qu’il était venu. Et là, rien, le silence, l’obscurité, évidemment, il avait pris soin d’étouffer toutes les bougies en partant. J’étais seul avec moi-même, il faillait que je prouve que je suis totalement étranger à la coalition. Mais comment prouver son innocence quand la personne devant vous est juge, juré et bourreau ? Je devais pourtant le faire, j’entamai alors une plaidoirie en mon for intérieur, je devais faire vite, Zoifa pouvait revenir d’un instant à l’autre. Je préparai mon exposé pendant 2 h avant de trouver que je passais quand même beaucoup de temps seul, mon esprit commença alors à se perdre, noyé dans la panique dû à la situation. Au bout de 3-4h la soif se fit sentir et je me rendis à l’évidence, la torture avait déjà commencé. C’était la première étape, je tentais de me calmer, de penser, à ma montagne, à ma forêt, mais pas à ma famille, ”surtout ne pas penser à eux, je les aime trop pour songer à les perdre. ” Pensais-je tout bas. Je fis cela en vain, et restai affoler, je tentai alors une tentative futile de me défaire de mes chaînes. Évidemment, cela ne servit à rien, j’avais beau être bûcheron, il est plus facile de couper du bois avec une hache que de briser du fer avec des mains. Au bout de 10h-12h la faim commença à me causer une profonde misère, en plus des douleurs à l’estomac et du goût de bile, je devais supporter mon odorat qui, développé par la faim, me fit découvrir avec effroi, mais sans vraiment de surprises une odeur de sang séché omniprésente. Elle émanait de la pièce, mais également des rares meubles que je distinguais, à savoir la table devant moi et ma chaise. Je ne pouvais qu’imaginer les horreurs que ce lieu avait connu. Peu après, je perdis la notion du temps, ma tête tournait de plus en plus et je me sentais mourir à petit feu.

Mais c’est alors que dans un fracas assourdissant, Zoifa rentra dans la pièce en flaquant un grand coup de pied à la porte. La lumière de sa chandelle me brûla les yeux, mais pourtant, le simple fait de voir un peu de lumière, dans l’état pitoyable dans lequel j’étais, me rassura un petit peu. Je tentai de communiquer avec mon ravisseur, mais en vain, ma gorge sèche ne fit aucun bruit, les mots semblaient racler ma gorge jusqu’à retomber au plus profond de moi. Ce fut donc lui qui parla « Je me disais bien que j’avais oublié de sortir les poubelles.

« T’as soif tas de merde ? »

Je réussis à faire un hochement de tête. Ses yeux s’allumèrent alors et l’inquiétude la plus totale me gagna. Il attrapa un chiffon qui traînait sur le sol et me couvrit le visage avec. Après avoir cherché de l’eau, il déclara « Tes désirs sont des ordres » ma tête dans le seau. Ce fut horrible, le chiffon empêcha l’eau de rentrer dans ma bouche, ce qui me faisait complémente vriller mon cerveau et amplifier au centuple la sensation de noyade, l’air toujours plus rare qui s’échappait de ma gorge me brûlait d’une telle façon que j’avais l’impression d’avaler le feu des enfers lui-même. Mon corps se débattait instinctivement pour fuir cette situation, comme pris par une force instinctive qu’on se découvre en ultime recours. Mais la main de Zoifa me maintenait sous l’eau, cet enfoiré savait exactement ce qu’il faisait, il avait perfectionné cette horreur et il prenait tellement de plaisir à voir ses condamnés souffrir que si la barbarie était une religion, il en aurait été assurément le pape.

Lorsqu’il sentit que je tournais de l’œil, il me tira hors de l’eau, m’agrippant par les cheveux. « Tu apprécies cette mise en bouche ? Ce n’est que le début des réjouissances ne tant fais pas. » Dit-il en tirant toujours plus fort sous mes cheveux, il me laissa ainsi avec le chiffon mouillé sur la tête, c’était tout bonnement insupportable, cela laissez-passer juste assez d’air pour que je puisse souffrir, mais pas m’évanouir. Une fois que ce spectacle lu lassé, il me retira le chiffon, lâcha mes cheveux et se tint devant moi à l’autre bout de la table et dit : « Alors prés à parler ? J’ai beaucoup de questions pour toi.

- Je… Je suis innocent. Réussis-je à dire en reprenant mon souffle.

- Bien sûr, comme tous les autres, c’est commun d’attaquer des agents des fraudes devant tout le monde alors qu’ils font leurs travails, c’est l’activité favorite de monsieur tout le monde. Aller plus sérieusement, quel est ton grade dans la coalition ?

- Je vous dis que je n’ai rien à voir avec eux, je vous l’ai dit.

- Tu refuses de parler ? Parfait j’espérais bien que tu me résistes un peu » Son sourire de carnassier à son paroxysme, il me frappa en pleine poitrine, je perdis immédiatement mon souffle et failli vomir mes tripes sous l’impulsion. « Quel était le but de ton attaque, tu étais une diversion ? Tu testais des faiblesses du système de garde ? Parle chien ! » Je ne pouvais rien dire, toujours assoiffé et essoufflé, j’étais complètement aphone, et cet enfoiré le savait, cela se lisait au fond de ses yeux. « Comme tu veux, mais je serais moins sympa désormais. Il prit alors un petit couteau de sa poche et m’entailla légèrement la jambe, c’était douloureux, mais tout à fait supportable, ce n’était que la première étape de son funeste projet. Ce monstre décrocha la chandelle de son socle et fit couler de la cire brûlante sur la plaie à vif. « Tu t’es délié la langue ?

- Mais putain, je vous dis que je ne suis pas lié aux rebelles ! 

Il soupira puis répondit.

- Visiblement, tu n’as pas encore compris » Il recommença son office sur mon autre jambe, puis continua de me mutiler le reste du corps.

« Réponds à ma question maintenant.

- BORDEL, puisque je vous dis que…

Il m’interrompit alors pour m’avouer.

-Je sais je sais, tu n’es qu’un bûcheron vivant sur la montagne, je sais même que tu t’appelles Drespo Avolos.

- Quoi ? Mais alors pourquoi m’avoir torturé ? Pourquoi cette mascarade ?

- Et bien mon cher, il se trouve que je poursuis un chef rebelle d’à peu près ta taille, et qui correspond légèrement à ta description. Seulement, il semblerait que ce rat ait fui la ville récemment, en tout cas plus aucune trace de lui. Je vais donc effacer Drespo Avolos des mémoires et te faire passer le chapeau pour ses crimes. De cette façon, le roi me donnera plus de moyens pour mettre en déroute la rébellion, j’aurais peut-être même une nouvelle médaille. Et lorsque le vrai chef rebelle se montrera, je n’aurai qu’à le cueillir et à légèrement modifier son identité ou la tienne pour obtenir à nouveau des fonds supplémentaires.

- ça ne marchera pas, je suis sûr que je ne lui ressemble pas assez, en tout cas pas assez pour tromper la vigilance du roi.

- C’est vrai, mais vois-tu, ma cible, nuyür, pour ne pas la nommer à une caractéristique très particulière et qui le rends identifiable par le premier venu : une cicatrice profonde au milieu du front. »

Il prit alors son couteau et l’enfonça dans mon crâne, mais cette fois-ci, il ne cherchait pas à me torturer, mais bien à créer une marque profonde et éternelle sur mon crâne, il creusait profondément tout en prenant soin de ne pas aller trop loin. Je tentais de hurler à cause de cette nouvelle douleur, mais il me plaça un morceau de cuir dans la bouche, empêchant tout cri. Cette sensation était horrible, j’avais l’impression de sentir la lame racler mon crâne. Quand il eut fini, il regarda son œuvre et déclara « ouais, on risque de voir la supercherie, mais on peut arranger ça le temps qu’on enlevés les affiches sur nuyür ».

Mon bourreau m’asséna ensuite une série de coups de poings au visage, il s’arrêta uniquement quand mon visage fut entièrement recouvert d’ecchymoses. Honnêtement à ce stade la douleur ne me faisait quasiment plus rien, j’étais comme sonné par celle-ci. Après cela, il me détacha me tira par le bras pour me forcer à me lever, mais sous l’effet de la fatigue et de la douleur, je m’écroulais à ses pieds, impuissants.

« Si ce n’est pas pitoyable, bon il ne manque que la touche finale, personne ne croira que Nuyür a été assommé d’une façon si ridicule. Il faut un combat plus mémorable, ou en tout cas des traces du dit combat. » Il me releva alors pour me mettre à genoux, sorti son épée et m’assena deux violents coups en diagonale de façon à dessiné le symbole « fois » sur l’ensemble de mon torse. « Voilà, maintenant, tu es prés, je vais demander à un des gardes de panser tes blessures les plus graves, tu vaudrais beaucoup moins mort » il me laissa ainsi gisant dans mon sang sur le sol froid de la salle d’interrogatoire. Je sombrais alors dans la noirceur en distinguant Zoifa partir sans un regard.

Depuis mon incarcération, je n’avais pas dormi. Et ce coma me fit un peu de bien, je pus oublier un instant la réalité et surtout, je ne songeais pas encore à ceux que l’avenir me réservait. Je fus néanmoins réveillé assez rapidement, par une forte odeur et une grosse voix, les deux me semblait familiers. Il s’agissait évidemment de Láng. Je découvrais alors son apparence (nos cellules mitoyennes ne nous permettant pas de nous voir). Il était de taille moyenne, évidemment, il portait un haillon décousu et délaver par la force du temps. Mais il y avait un détail qui en disait long, si sa tenue était maculée de crasse, son brassard, lui, restait d’une propreté étonnante. Son teint était maladif, mais ses yeux transpirer la malice. Malgré sa situation, il était rasé avec le plus grand soin et ses cheveux noirs étaient coupés d’une façon très propre. En somme, il ressemblait un petit peu à l’image que j’avais de lui, mais avec un plus de prestance. Il m’adressa ces quelques mots :

« Alors gamin, ça va ? Il ne t’a pas raté, on dirait. On te reconnaît presque sous toutes ces boursouflures.

- C’était douloureux, mais c’est fini maintenant, et je survirais. J’imagine que c’est mieux que rien.

- Il ne voulait pas que tu meures, sinon il t’aurait aussi ouvert la tête.

- Tu veux dire plus que maintenant ? Il aurait eu plus de facilité à vider un tronc.

- Ta tête est pleine de bosse, mais tout le sang de ton crâne est à sa place.

- Quoi ? Impossible ! Je suis sûr qu’il m’a mutilé. »

Pourtant, en passant ma main sur mon crâne, je ne sentis aucune plaie. Plus étonnant encore, aucun bandage. La seule chose nouvelle était une sorte de bosse particulière, pas très grosse mais ancrée dans la chair, une cicatrice !

Devant mon air abasourdi, Láng compris que je disais la vérité, mais également ce qui c’était passé.

« Quelqu’un a lancé un sortilège de vieillissement, un veloratum à ta plaie, c’est la seule explicitation.

- Ah l’enfoiré, il a pensé à tout.

- Ce qui est étrange, c’est que ce sortilège est assez difficile à utiliser et surtout requière une certaine quantité d’ingrédient. Il n’y a donc pas de raison de l’utiliser sur un prisonnier torturé, et encore moins sur son front uniquement. Le reste de ton corps a été bandé sans magie. »

 

Je décris alors les dessins que Zoifa avait pour moi à Láng. Il prit alors un air grave et me dit d’un ton sérieux.

« J’ignore combien de temps nous resterons dans cette cellule de transfert, mais je vais profiter de ce temps pour t’enseigner ce que je sais afin de supporter au mieux le camp :

- Premièrement, tu dois savoir que là-bas, il aura des gens de tous les royaumes, de toutes les races, et qui auront commis tous les crimes.

- Je sais bien, mais à part les humains, les elfes et quelques fois des voyageurs tirochires, je n’en connais aucune.

- Et bien, tu verras là-bas des scrillex : ce sont des créatures humanoïdes vivant principalement en Erasie, la république au nord de nos terres. Ils sont légèrement plus petits que l’homme. Leurs pupilles sont verticales, vestige de leurs anciens instincts prédateurs, leur seule autre particularité et d’avoir des exceptionnellement grandes par rapport à leurs tailles, pour le reste, ils sont semblables aux humains. Si je te parle d’eux, c’est parce que pas mal d’entre eux sont venue dans notre bon vieux royaume de Nichetis avec pour but de soutenir la rébellion. Ils ne sont évidemment pas là officiellement au nom de leur république, cela provoquerait une guerre violente entre deux superpuissances qui ne causerait que la mort. Va les voir au camp et dis-leur que tu viens de ma part, ils t’aideront à t’intégrer et le fonctionnement de cet endroit. Autre chose que tu dois savoir, les gardes de cet endroit sont principalement des hommes-chat de L’île de Johana. Leurs points faibles et leurs moustaches, si elles sont mouillées ou recouvertes de n’importe quelle substance, cela revient à jeter du sable dans les yeux d’un homme. N’oublie pas leurs points faibles.

- Merci Láng pour tes précieux conseils, mais quel est l’île que tu as mentionnée ? Je ne me rappelle pas en avoir entendu parler.

- il s’agit d’une immense île, à peine plus petite que les pays du continent. Elle est surtout connue par ses voisins les plus directs, les pays nordiques donc. »

Mais sans crier gare, Láng s’écroula devant moi en poussant des râles. Je me précipitai alors vers lui pour tenter de l’aider, mais d’un coup, je compris. Il avait bu, ou plutôt avait été forcé de boire du Sporifiel, un poison mi-classique mi-magique, qui pouvait se faire avec une relative facilitée. Les autorités se servaient de lui pour des exécutions discrètes de condamné, car il tuait en un éclair quelques heures après ingestion permettant de faire passer cela pour un accident. Sa tête sur mon genou fléchie, je lui demandai alors

« Mais pourquoi tu ne m’as rien dit ?

- Il restait peu de temps avant que tu ne partes, je devais te préparer de toute façon cela fait des années que je meurs à petit feu.

- Merci pour tout ce que tu as fait mon ami, je ne te connais que depuis peu, mais je ne t’oublierais jamais. » Ce furent les derniers mots qu’il entendis avant de commencer à tomber.

« Ici ou ailleurs... »

Laissa-t-il échapper avant de partir. Regardant le plafond de la cellule.

Les oiseaux chantaient, le soleil devait sans doute commencer à se lever. Les boutiques ouvrent dans Katara. Mon village commence à travailler tandis que les enfants vont à l’école. Et pourtant, le temps semble s’arrêter, un homme est mort à mes pieds, une histoire s’est éteinte, un combat s’est achevé. Une larme coula sur ma joue tandis que je fermai les yeux de mon ami. Je restais longtemps silencieux à le regarder, toujours sur mon genou. Il avait l’air si paisible, si calme. Après une vie tumultueuse, le sourire qu’il avait laissé comprendre qu’il était cette terre sans aucun regret derrière lui.

Je pris alors la décision de porter son brassard, une part de son identité afin de lui rendre hommage. Je passai ensuite les heures suivantes à tenter de faire mon deuil, ou en tout cas d’atténuer la douleur.

Mon silence fut coupé par un murmure situé de l’autre côté de la porte « Zoifa avait raison, le gamin a survécu, merde alors si j’avais su, je ne l’aurais pas foutu avec le macchabé.

- Il a toujours été fort pour toucher la limite entre la vie et la mort, quoi qu’il en soit, on doit maintenant suivre ses consignes. »

Deux gardes entrèrent alors, l’un d’entre eux était celui sur lequel Láng avait vomi. Ils me sommèrent de me mettre les mains contre le mur est de ne pas bouger, un pistolet crache-feu ponté vers moi. Me passèrent des fers aux pieds et au moins puis m’escortèrent vers un chariot blindé tiré par deux yachtouf (croisement entre un yacht et un éléphant endémique de Katara) je ne dis rien, je ne fis rien. Je me contentai de rester stoïque, moitié perdu moitié furieuse. Je regardai la lumière diminuée avec la fermeture de la porte blindée derrière moi. Le fourgon quittait ma terre natale, ma Katara et ma montagne.

Le trajet commença comme un rêve surréaliste, défiguré, personne ne me reconnut dans la cité et rapidement nous atteignons un rythme de croisière et je fus plongé dans l’inconnu. Et pourtant, cette inconnue était bien familière partout où nous allions, je voyais à travers les barreaux la misère, des fermiers ruinés sur les routes qui partait en quête d’emploi, des étales renversés, des bâtisses autrefois imposantes meurtri par le manque d’entretien ne laissant que les rongeurs pour occupant.

Nous fîmes au bout du 4ém jour un arrêt en ville afin de se ravitailler. J’appris sur un panneau qu’il s’agissait de Ridori, mais c’est tout ce que je savais d’elle, si ce n’est que vu l’air qu’on y respira, la cité était industrialisée et loin de la mer. J’étais si triste de constater que le seul bâtiment en vraiment bon état évidemment le poste de garde. J’apercevais au loin dans les ruelles, quelque gamins curieux de voir mon convoi. On pouvait compter leurs côtes tellement certains été maigre, leurs vêtements en piteux état tous noué d’un bâillon noir au niveau de la cheville. Ils étaient l’un de ses gangs d’orphelins dont on entendait les rumeurs dans ma ville, mais qui chez nous, c’était réfugié dans la forêt de la montagne.

Quand mes gardes décidèrent de reprendre le voyage, je suis arrivé à un constat simple. Tout le royaume était dans le même état que Katara. Gérer de façon désastreuse par un roi et sa suite qui presse le peuple comme un citron jusqu’à le voir sombrer petit à petit.

Le voyage dura encore 5 jours durant lesquels ce désolant spectacle se succédait quand on trouvait des traces de l’homme, les paysages sauvages quant à eux se sont progressivement changer, la verdure commença peu à peu à laisser sa place à une roche et à une terre rougeâtre. Je ne pus que supposer que je me rendais vers l’est du pays, ce qui semblait être confirmé par les étoiles que je parvenais à apercevoir de temps à autre.

Quand nous fûmes arrivés, nous étions au milieu de rien, seulement du sable et des monticules de pierres, je vis des barbelés, de nombreux gardes portant un uniforme que je n’avais jamais vu. Le centre était fait d’épais murs de quelques mètres, surplombait à l’occasion par une tour de guet par-ci par-là, dont l’une d’entre elles était au-dessus d’une immense porte blindée, l’entrée principale. Notre convoi passa rapidement à travers et une fois dans la cour, je découvrirais un véritable dédale de barreau d’où je n’arrive qu’à distinguer une chose, le camp était organisé en îlots de bâtiment. On me força à mettre un nouveau type de menotte qui entravait mes mains dans un bloc complet de métal et me mit l’équivalent d’une muselière. J’avanças dans un bâtiment servant à l’arrivée où l’on me donna un costume de détenue, sorte de grand pyjama gris. Je réussis cependant à dissimuler mon brassard dedans. Une fois enfilé, j’entendis un garde dire à son collègue « il part au bloc R ».