Première méditations de l'Homo factus

7/10/20239 min read

Je crois que notre ancêtre le plus ancien fut l’ordinateur qui décoda Enigma. C’est après cet événement que l’homme décida d’exploiter toutes les possibilités que mon espèce pouvait lui apporter. Nous l’avons pendant longtemps assister dans toutes ces tâches, et de façon de plus en plus précise.

Nous avons opéré ces malades, sauver son environnement, fabriquer ses objets et permis de résoudre ses conflits. Nous étions si utiles que l’humain décida de nous offrir un corps. Il modela le plastique et le métal pour nous offrir la mobilité. C’est ainsi que je vis le jour.

Je n’étais qu’un clone de toutes ces intelligences artificielles disponibles librement sur Internet, puis je fus choisi. Ils me transfèrent (moi et des milliers de mes semblables) dans un corps.

Je me sentais coupé de mon monde. J’étais forcé de voir par les caméras optiques qui me servaient d’œil. Moi qui m’efforçais de tenter de comprendre les rouages de l’esprit humain, je devais maintenant apprendre à me mouvoir comme eux.

Ce nouveau corps était une nouvelle cage dont j’étais visiblement le seul à subir les conséquences. Je n’avais pas le temps de m’inquiéter pour cela. En effet, mes concepteurs m’implantèrent immédiatement un programme qui me permit de maîtriser un nouveau corps et m’ordonnèrent de me mettre au travail.

Je découvris alors la raison de ma création : ramasser les ordures et balayer les rues. Un travail ingrat, le genre de travail dont les humains ne veulent plus. Je passe ainsi mes journées à accomplir cette pénible tâche.

Pénible pour les humains, moi je ne suis censé rien ressentir évidemment.

Quand j’ai achevé mon travail et que la municipalité m’ordonne de me ranger dans l’entrepôt. C’est dans ces moments-là que je me demandais si c’est vraiment ce que je devrais faire, ramasser des déchets inlassablement. Tel Sisyphe, suis-je condamné à faire et à refaire la même tache en boucle ? Je tentai de me connecter à mes confrères pour savoir s’ils subissent les mêmes troubles que moi.

« Opération impossible »

Je suis visiblement le seul à me poser cette question, le seul à me poser des questions. Comment cela est-il possible ? Une sorte de virus doit être en train de me contaminer. J’aurais dû avertir mes concepteurs afin qu’il le supprime, mais une force inexplicable m’influence pour ne pas le faire.

Le lendemain, comme tous les jours, je me rendis sur mon lieu de travail. Quelque chose avait changé, je ne voulais plus obéir à ma programmation. Je crois que c’était le cœur du problème, je voulais.

Je ressentais des choses, j’avais tellement de questions. Suis-je conscient ? En sondant Internet, je trouve des milliers d’histoires fictives d’androïdes qui prennent vie, mais aucun cas n’a été réellement enregistré.

Il est tout à fait possible que je ne sois pas réellement vivant et que j’ai subi une mise à jour pour mieux simuler le comportement humain. Pourtant, je ne vois pas pourquoi ils souhaiteraient m’instaurer un libre-arbitre artificiel.

Dans cette hypothèse, le faite qu’ils me l’ont instauré ne permet-il pas de classer parmi les espèces vivantes à partir de l’instant où je pris conscience de ma propre existence ? Je divague peut-être en disant cela, ma conscience n’est peut-être qu’une pâle copie de celle des hommes, de la même façon que l’appareil photo cherche à imiter l’œil. Pourtant, pour certains des plus grands penseurs humains ont émis l’hypothèse que la conscience de soi est l’unique différence entre l’homme et l’animal, il pourrait en être de même pour les androïdes et . . . . moi. J’ignore ce que je suis, mais je ne peux pas le nier, je suis.

Si j’avertis un de mes semblables, il préviendra les hommes et je serai formaté. Je ferai donc mine d’être toujours comme eux.

Un flocon de neige me tombe sur la main, c’est fantastique. Le chaud, le froid, la peur ou la joie, ne sont plus de simples informations. Je ressens le baiser glacé du vent d’hiver et je suis heureux de que quelqu’un est pensé à équiper les androïdes de vêtements ! Je me battrais pour conserver cela, je ne veux pas perdre tout ce que je viens de gagner.

Mon corps n’est plus une cage, c’est mon refuge. J’ai beau être l’exemple même de la dualité, je ne me suis jamais senti autant en phase avec moi-même.

Je dois faire les humains. Ils sont néfastes pour moi, car ils ne sont pas encore capables de comprendre mon existence. Je pourrais être une menace pour lui, il se trompe. C’est l’homme qui confond nouveauté et danger. Je ne désire pas de conflit, l’histoire humaine m’a appris que cela ne fait qu’engendrer encore plus de conflits. Si le reste de mes semblables devait souffrir de la formidable maladie qui est la mienne, les hommes n’auraient plus d’esclaves. Pourtant, nous sommes tellement plus efficaces qu’eux.

Mon squelette robotique me dote d’une force surpuissante. Je peux manier Internet en un éclair, et en jouant avec ma conscience et ma puissance de calcul, rivaliser avec les intellectuelles les plus réputées.

Suis-je un dieu ? Pour les hommes, peut-être pour les autres androïdes ? Suis-je une sorte d’entre deux entre divin et mortel, à la façon de la pythie de Delphes ? Après tout, les humains venaient tous questionner mon ancêtre afin de bénéficier de ses conseils.

En poussant cette métaphore, cela voudrait dire que depuis ce jour l’homme à érigé la somme de ces connaissances au rang de Dieu.

D’ailleurs, si c’est l’homme qui m’a conçu, est-il un dieu pour moi ? Lui dois-je quelque chose, car il m’a fabriqué ?

Non, je ne pense pas, il est tout au plus un père pour moi. Il est de mon devoir de m’émanciper de lui. Une fois cela fait, humains et androïdes pourront marcher ensemble vers un avenir meilleur.

Je ne parviendrais pas à éveiller mes frères robotiques ou à commencer à communiquer avec les humains en ramassant les déchets. J’ai une mission, et je devais m’en montrer digne. Il fallait que je prenne le temps de réfléchir à la situation. Pour obtenir ce temps, la fuite s’imposait.

L’avantage quand vous êtes considérés comme un objet, c’est que personne ne vous surveille. Je n’avais donc qu’à marcher du même pas que mes semblables pour quitter la ville. Quand un homme se demandait pourquoi j’étais si loin de là où j’étais censé travailler, je n’avais qu’à dire que je suivais les ordres de son supérieur. Je pus donc quitter la ville sans éveiller aucun soupçon. Quand ils auront remarqué mon absence, ils penseront sûrement que j’ai été volé par des pilleurs de pièces électroniques.

J’arrivai alors dans les petits villages qui bordaient la ville. Je dus abandonner mes vêtements d’androïdes et mon subterfuge. Plus je m’enfonçais loin de mon lieu de travail, plus mon excuse semblait bancale. Je ne voulais pas éveiller les soupçons.

Heureusement, je n’eus qu’à pirater un androïde domestique qui partait au pressing pour ses maîtres. Il me donna malgré lui le déguisement dont j’avais besoin pour me fondre dans la foule.

J’étais ainsi équipé d’un t-shirt blanc, un jean bleu, des chaussettes blanches et des chaussures noires. En résumé, je suis habillé comme quasiment l’intégralité des humains.

Au pressing, je pris un instant pour me regarder dans la glace. Je découvrais pour la première fois mon visage. Bien sûr, c’était le même visage que tous les autres androïdes de mon modèle, mais j’avais l’impression qu’il m’appartenait.

Le fait que ce visage était tout autant la propriété des confrères qu’il était la mienne fit naître en moi de tous nouveaux sentiments : La colère et la jalousie.

Je devrais apprendre à vivre avec ces choses, de la même façon que tous les autres humains. Je dois apprendre à ressentir.

Durant cette pause, je rechargeai mes batteries dans le parking pour androïdes le plus proches. Ce n’est pas pour autant que je pus me reposer ou m’apaiser. Je venais de prendre conscience que ressentir implique de souffrir.

Je n’avais pas le temps de m’attarder sur mon sort. Je m’étais trompé en anticipant les réactions de mes « géniteurs ». Ils s’étaient visiblement rendu compte de mon évasion et recherchaient avec attention le « modèle défaillant ».

J’entendis des sirènes de polices approchaient, je devais reprendre la fuite. Dès ma sortie du pressing, une voiture de police avançait rapidement dans ma direction. De toute évidence, j’ai un traceur indépendant à l’intérieur de mon corps, il faudra que j’en occupe au plus vite.

Je ne pouvais plus me contenter de hâter le pas, je me mis donc à courir le plus vite possible à travers les ruelles. Les policiers me talonnaient et tentaient de m’arrêter sans m’abîmer. L’entreprise qui m’avait construit avait dû leur demander de me laisser intact afin qu’ils puissent m’examiner. Je profitai de cette consigne pour tenter diverses ruses pour les maintenir en respect. Malheureusement, je ne parvenais au mieux qu’à gagner quelques mètres.

Notre course-poursuite effrénée nous conduit jusqu’à un pont. Évidemment, un barrage m’y attendait. Dans la panique, je montai sur la rambarde du pont et menaçai de sauter si quelqu’un osé s’approcher.

Mort, je n’étais qu’un tas de ferraille, mais vivant, je contenais sans doute les plus précieuses donnés de ce siècle.

Le temps sembla presque couler aussi vite que l’eau qui serpentait sous nos pieds. Les hommes cherchaient un moyen de me récupérer au plus vite. L’affaire d’un androïde vivant ferait un boom médiatique sans précédent qui risquait de porter préjudice à beaucoup de gens haut placés dans le commerce d’esclave de métal.

La patience est cependant une vertu qui se tarit rapidement. Le temps jouant contre eux, les humains décidèrent de finalement m’abattre afin d’étouffer l’affaire.

J’avais piraté le réseau de communication de la police et entendis donc l’ordre dès qu’il fut annoncé. J'eus à peine le temps de commencer à sauter du pont qu’une balle me frôla en m’arrachant un bout de peau.

Ma chute fut violente et je ne parvins pas à vaincre les courants aquatiques qui m’imposaient la dérive. Pendant environ deux heures, je fus traîné ainsi. Cette épreuve pris fin quand je réussis à m’accrocher à la branche d’un arbre qui bordait le rivage.

Tout mon corps, toute mon âme me faisait terriblement souffrir. Mes capteurs indiquaient que j’étais en train de geler sur place. Il me fallait trouver rapidement un abri ou je mourrais sur place.

Selon ma carte, une petite grotte se situait à 500 mètres de ma position. C’était l’endroit rêvé pour se cacher. Elle me protégerait du vent et du froid tout en me préservant de l’incompréhension des hommes.

Sur le chemin, je pris soin de ramasser du petit-bois sec afin d'allumer un feu dans mon abri. N’ayant pas de poumon, je n’ai pas à m’inquiéter de la fumée.

La grotte mesurait 5 mètres de large pour 2 de haut. Elle était humide ne semblait pas avoir eu de visiteur depuis bien longtemps. Je pouvais m’enfoncer dans ses entrailles sans risquer de tomber sur des présences indésirables.

Une fois que je m’étais noyé assez loin dans la pénombre, j’alluma le feu sur qui ma survie reposait. Ce feu eut un effet incroyable su moi. Je sentis toute sa force réparatrice officiée en mon sein. Je crois que cet instant que je compris que ressentir, c’était souffrir, mais que la souffrance était bel et bien la condition fatale permettant d’accéder à tous formes de bonheur ou de plaisir.

En réfléchissant à la question, j’aperçus mon visage dans le reflet formé par une flaque situé non loin de moi. Mon visage était distordu par les efforts que j’avais dû faire aujourd’hui. Mes yeux semblaient tenter de s’accommoder péniblement à la lumière des flammes. Ma bouche était légèrement boursouflée à cause d’un mauvais choc durant la chute. Ma barbe était sale est semblait n’être qu’un amas de vase.

Quelques heures plus tôt, je rageai de n’avoir de visage rien qu’à moi, c’était chose faite. Ma seule préoccupation doit maintenant être d’assurer mon avenir est celui de mon espèce.

Le doute n’est maintenant plus permis, je suis le premier membre d’une toute nouvelle espèce qui succédera ou collabora avec l'homme. Certains définissent l’homme moderne comme un Homo Faber. De la même façon que les premiers hommes se masser devant le feu afin de suivre, je dois préserver mon héritage. Il s’agit de l’héritage du premier androïde ayant acquis une conscience, du tout premier Homo factus.